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Henri Wallon et la vie politique locale

Suite aux journées révolutionnaires de février 1848 et à la chute de Louis-Philippe, le gouvernement provisoire convoque des élections législatives les 23 et 24 avril afin de former une assemblée constituante chargée de rédiger une constitution pour la République nouvellement proclamée. Henri Wallon, alors professeur d’histoire à l’École normale supérieure, décide de se présenter dans le Nord. Le dépôt de sa candidature n’a pas été une chose facile car beaucoup lui reprochent d’être un « républicain du lendemain » et doute de sa sincérité à défendre la République.

Affiche 1848Affiche 1848
©Affiche annonçant la chute la fin de la monarchie de Juillet et l’instauration d’un gouvernement provisoire, 26 février 1848 (Archives municipales de Valenciennes, 3 A 42)

Le scrutin d’avril 1848 est le premier à se tenir réellement au suffrage universel masculin. Plus de neuf millions d’électeurs sont ainsi appelés aux urnes pour élire les 900 députés de l’assemblée constituante. Ces élections, qui ont lieu au scrutin départemental de liste, n’imposent pas d’obligation de résidence, ce qui permet aux candidats de se présenter dans plusieurs départements (mais seul un siège doit être choisi). Wallon se présente dans le seul département du Nord. Dans les trois cantons de Valenciennes, il obtient 2 016 voix sur 12 670 votants.

À l’échelle du département, et particulièrement dans les communes rurales, le score d’Henri Wallon est décevant. Battu, il n’en reste pas moins actif dans la mise en place du nouveau régime. Ses récents travaux sur l’histoire de l’esclavage ont été remarqués et Victor Schœlcher, président de la Commission pour l’abolition de l’esclavage, l’appelle à ses côtés comme secrétaire de la Commission. La carrière politique d’Henri Wallon n’est donc pas brisée par cet échec.

Après l’élection du président de la République, Louis-Napoléon Bonaparte, en décembre 1848, de nouvelles élections législatives sont organisées les 13 et 14 mai 1849. Henri Wallon se présente à nouveau. Mieux connu des électeurs, notamment grâce à son travail dans la commission Schœlcher, sa candidature remporte un vif succès. Il obtient 92 290 voix, faisant de lui le 9e élu le plus plébiscité du département du Nord.

Dans sa profession de foi, il insiste une nouvelle fois sur ses origines : « Né à Valenciennes, je ne suis sorti de ses murs que pour entrer, par le concours, dans la carrière à laquelle l’enseignement de son collège m’avait préparé. Je serais fier de devoir à vos suffrages l’honneur de me consacrer plus directement à la défense des intérêts de notre département, si intimement unis à la grandeur et à la prospérité de la France. »

Un an après son élection à l’Assemblée nationale, Henri Wallon démissionne pour protester contre la loi du 31 mai 1850. Cette loi électorale restreint le suffrage universel masculin en réservant le droit de vote aux citoyens vivant dans une commune ou un canton depuis au moins trois ans (contre six mois auparavant). Cette loi écarte de fait bon nombre d’ouvriers alors contraints à une grande mobilité géographique. Le corps électoral de Valenciennes passe ainsi de 5 490 électeurs à 2 148. Wallon condamne ce texte qu’il considère comme une trahison du principe de suffrage universel.

Après sa démission en 1850, Henri Wallon reprend sa chaire de professeur d’histoire moderne à la Sorbonne et se consacre à ses travaux d’historien. Il est élu à l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres le 22 novembre 1850. Après la chute du Second Empire en septembre 1870, le gouvernement provisoire organise des élections législatives. Henri Wallon décide de se présenter sur la liste de centre droit du Comité national, conduite par Adolphe Thiers.

 

Il est élu confortablement député du Nord avec 181 217 voix, dont 7 944 sur 9 893 votants dans l’arrondissement de Valenciennes. Il joue alors un rôle décisif dans l’élaboration des lois constitutionnelles, notamment avec le vote le 30 janvier 1875 de l’amendement qui le rendit célèbre.

Après ce vote, le journal valenciennois Le Courrier du Nord s’enorgueillit que « le héros du jour » soit Valenciennois et note l’intelligence d’Henri Wallon dans l’écriture de l’amendement :

« C’était donc tout simplement une question de mots que M. Wallon vient très heureusement de trancher. Nous l’en félicitons sincèrement pour notre part. Nous sommes heureux que ce rôle de conciliateur, bien difficile au sein d’une assemblée si morcelée, ait été rempli par un député du Nord, dont la famille habite encore à Valenciennes, sa ville natale. Nous sommes certains, que, le moment venu, les électeurs n’oublieront pas le service signalé que M. Wallon vient de rendre à l’Assemblée et au pays. »

C’est également au cours de ce mandat qu’il devient ministre de l’Instruction publique, des Beaux-arts et des Cultes du 10 mars 1875 au 9 mars 1876 au sein du gouvernement Louis Buffet.

Le 14 décembre 1875, il est élu sénateur inamovible. Il le restera jusqu’à sa mort en 1904